1. Apprendre le marxisme en 2013

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    By Zelig il 24 Oct. 2013
     
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    Apprendre le marxisme en 2013

    Chiara Branca

    À nos jours, la gauche européenne m’apparaît intellectuelle, élitiste, incapable de comprendre l’électorat – ce qui expliquerait la préférence des classes travailleuses pour les messages plus concrets de la propagande électorale de centre-droite.

    Et tout de même, une classe ouvrière marxiste existe encore en 2013. J’ai pu découvrir cela à travers une expérience directe : l’université d’été marxiste (INEM) organisée par le Parti du Travail de Belgique (PTB).

    N., militant du parti, m’explique : les représentants élus du PTB suivent une ligne rigoureuse afin de garder un lien étroit avec les travailleurs. Lorsqu’ils accèdent aux sièges parlementaires, touchant donc un salaire de 5'000 € par mois, ils ne vont garder pour eux que l’équivalent du salaire moyen d’un ouvrier, à savoir entre 1'400 et 1'600 € par mois environ. Le reste est versé à la trésorerie du parti.

    Une règle non-négligeable, lorsqu’adopter un niveau de vie qui met à l’abri des préoccupations économiques de ceux que l’on prétend défendre constitue le danger de ne plus voir et comprendre la réalité de ces derniers.

    Encore, les connaissances pratiques des ouvriers sont valorisées au moyen d’une discrimination positive à leur égard. Toujours dans ce même esprit, « les intellectuels » du parti sont quant à eux vivement encouragés à enrichir leur expérience d’un travail en milieu ouvrier. Voici la base de départ des organisateurs de l’INEM.

    L’INEM offre une des très rares chances de connaître l’économie marxiste et d’en débattre à un niveau approfondi ; un apport fondamental pour comprendre les engrenages et les impasses structurelles d’un système économique et monétaire qui est évidemment en train d’imploser.

    Ce qui m’a frappé positivement a été l’hétérogénéité des étudiants. Cette année, les 400 inscrits provenaient de toute sorte de tranche d’âge, de groupe social, économique, culturel, national, linguistique, sexuel. Ce qui développe le second apport fondamental de l’INEM : le remarquable « capital humain » que chaque personne emmène ici et qui fait que tous les présents, à mes yeux, viennent ici pour apprendre et enseigner à la fois.

    Chacun paraissait avoir une histoire digne d’une interview.

    I. est un ancien militant d’Euskadi Ta Askatasuna (ETA), l’organisation armée qui se bat pour un Pays Basque indépendant et socialiste, et qui en janvier 2011 a déclaré un cessez-le-feu « permanent, général et vérifiable ».
    Identiquement à la plupart des militantes et militants basques arrêtés dans l’État français et espagnol, pendant son incarcération il a connu plusieurs prisons (toujours éloigné du Pays Basque), puisque la politique d’éloignement et de dispersion des prisonniers politiques basques reste une des bases fondamentales de la stratégie répressive desdits États.
    Il m’explique comment l’indépendantisme basque n’a de sens qu’en soutenant les autres processus révolutionnaires voulant mener à la naissance d’états socialistes.

    Liliane est née en 1945. Française, sa famille émigra à Liège alors qu’elle avait l’âge pour commencer l’école primaire. Là, elle était la seule française ; à la récréation, les fillettes de sa classe la battaient pour ça. Elle me parle de la très forte vague de racisme répandu en Belgique à l’époque, contre les immigrants d’Europe du Sud et de l’Est d’abord mais pas seulement.

    Avec sa copine - même nom et même âge qu’elle, mais flamande d’Anvers, comédienne hyperactive, qui me parle avec l’espagnol qu’elle a appris à Cuba au fil des années et m’invite à danser la salsa - elles restent bavarder jusqu’à tard dans la nuit, me disant comme la militance dans le PTB leur a rempli la vie de plus en plus, me fascinant avec leurs esprits d’une gaieté contagieuse, alors que je plonge agréablement dans chaque histoire qu’elles me racontent.

    Emiliano, Carla, Marisela, Lee Ann et Adnileb sont vénézuéliens. Ils vivent en France pour gérer et participer à un programme doctoral qui forme les professeurs, afin qu’ils puissent, en rentrant, combler les lacunes théoriques de l’enseignement dans leur terre natale. Ils ont adhéré au programme de l’INEM car ils souhaitent acquérir et importer aussi les outils théoriques de l’économie marxiste nécessaires à intégrer avec l’expérience pratique du socialisme de leur pays. Fiers, enthousiastes, ils ont hâte de rentrer chez eux pour mettre leurs nouvelles connaissances à disposition de la cause socialiste.

    Ceux que je viens de citer ne sont que des exemples parmi la vaste tranche d’humanité qui fait l’âme de l’INEM. On y retrouve une envie contagieuse de travailler, de participer, de s’améliorer. Envie que j’ai retrouvé et chez les élèves, et chez les enseignants, et chez les organisateurs. C’est pourquoi je sens le besoin de conseiller cette expérience à quiconque.



    paru in: Le Courrier , 2/10/2013 - www.lecourrier.ch
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